Le 1er mais
Or, si aujourd’hui le 1er mai est pour beaucoup de nos concitoyens surtout synonyme de jour férié (instauré en 1919), il avait à l’origine pour objectif de célébrer les combats et les victoires des « travailleurs ». Il était une journée qui permettait à tous de se remémorer le « chemin accompli » dans une optique de « progrès social ». Ici il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas de victoire récente à célébrer, les dernières avancées sociales auxquelles on pourrait penser datant du premier mandat de François Mitterrand (la retraite à 60 ans en 1982 depuis très largement remise en cause, la cinquième semaine de congés payés et les 39 heures toujours en 1982). Certains pourraient aussi invoquer l’instauration des 35 heures au début des années 2000 sous le gouvernement Jospin, mais l’application de cette mesure a été loin d’être uniforme et ses effets diversement perçus, notamment dans certains secteurs comme l’hôpital.
Concrètement
depuis plus de 30 ans en matière de droits des salariés et d’avancées sociales
le bilan est plus que maigre, et c’est plutôt à un lent détricotage des acquis qu’on
a assisté ; on sait bien que ce mouvement d’affaiblissement de la
protection sociale est lié à la grande offensive idéologique et politique,
qu’on pourra qualifier de « néolibérale » pour simplifier, menée aux
Etats-Unis et en Europe occidentale. SI cette vague néolibérale a été couronnée
de succès c’est aussi parce que les formes traditionnelles d’opposition au
moins-disant social se sont révélées inopérantes, infructueuses. Dans ce
contexte les syndicats n’ont pas ou peu joué leur rôle de défense des salariés.
On peut
penser par exemple que la/le (droit de) grève, droit qui a une valeur
constitutionnelle dans notre République, est devenue un moyen d’action de moins
en moins adapté (d’ailleurs le nombre de jours
de grève en France baisse de façon structurelle depuis 30 ans). Les dernières grèves qui ont
« réussi » sont celles de 1995 à l’époque du gouvernement Juppé, et
la grève SNCF qui a lieu actuellement ne semble pas en mesure d’infléchir la
politique d’Emmanuel Macron sur le ferroviaire.
Pratiquement Il est de plus en plus difficile de faire grève et cela est très pénalisant
pour les salariés (non paiement des salaires principalement, surtout dans le
secteur privé). En conséquence on continue à voir des grèves dans le public et
de moins en moins dans le privé, mais elles sont alors le plus souvent perçues
négativement, car elles pénalisent les
usagers d’une part, et apparaissent comme l’instrument de défense de
privilégiés d’autre part.
De la même
façon le rôle des salariés au sein des instances de décision dans les
entreprises reste marginal et il y a eu très peu d’évolutions en la matière au
cours des dernières années malgré les beaux discours sur la « gouvernance
éthique » ou la Responsabilité Sociale des Entreprises (on regardera avec
attention ce que donnera la réflexion en cours sur l’objet
social des entreprises). On peut même affirmer que la gouvernance des
entreprises, surtout pour les plus grandes, au cours des dernières décennies a
été encore plus déformée en faveur des actionnaires, au détriment des autres
parties prenantes (salariés, clients, tiers).
En France la
situation syndicale est particulièrement mauvaise : les syndicats y sont
faibles avec un taux
de syndicalisation très bas, leur financement est opaque notamment en
liaison avec la gestion de la formation professionnelle, et leur stratégie est
avant tout défensive, particulièrement dans certains secteurs spécifiques – on
pense par exemple à la SNCF. An final les syndicats français apparaissent au
mieux comme décalés et au pire comme dépassés. Dans tous les cas ils sont peu représentatifs et ils sont inefficaces.
Or cette
question de l’efficacité nous paraît fondamentale, d’autant plus un jour de
Fête du Travail; quelles sont les formes d’action qui, en 2018, peuvent être pertinentes
pour défendre les salariés et conquérir de nouveaux droits ? Quels sont
les moyens d’établir un rapport de force et les conditions d’une négociation favorable
aux « travailleurs » ? En un mot comment inventer de nouveaux
modes et/ou de revendication de conflit qui soient légitimes, performants et
réalistes ?
Il faut
aborder cette question de front, ce qui a l’évidence passera par une remise en
cause profonde des syndicats actuels et de leur représentativité ; on
esquissera ici quelques pistes, mais pour certaines d’entre elles il faudra une
impulsion politique :
· Remise en cause des mécanismes de
représentativité des syndicats, permettant l’émergence de nouvelles
organisations et supprimant le monopole de fait exercé par les centrales
actuelles
· Refonte complète du financement syndical,
permettant une transparence totale des fonds collectés. Le financement public
doit être garanti et pérenne. Comme pour les parlementaires des mécanises de
limitation des mandats dans le temps doivent être prévus.
· Extension et approfondissement du rôle des représentants
des salariés (y compris pour les entreprises de moins de 5000 salariés) au sein
des organismes de gouvernance, comme les conseils d’administration. Les voix
des représentants des salariés doivent représenter au minimum 20% des voix du
CA et disposer d'un veto et/ou d'un droit d'alerte pour certaines décisions.
· Mise en œuvre de nouveaux mode d’actions sur
le terrain : par exemple en privilégiant les grèves du zèle qui peuvent
parfois simplement signifier assurer un vrai service au client !, ou en
fournissant des prestations gratuitement. Dans tous les cas il apparaît urgent
d’imaginer des modalités de revendication qui associent les clients ou les
usagers, et qui les pénalisent le moins possible. Dans un environnement où la
bataille de l’opinion est cruciale cela est un élément clé pour la réussite des
actions qui sont menées.
Ces
réflexions peuvent bien évidemment être discutées, critiquées, améliorées, mais
si nous souhaitons que le 1er mai permette à nouveau de célébrer
des conquêtes sociales, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat sur ce
sujet.
MàJ à 20h, le 1 er mai: les violences - évidemment condamnables - constatées dans le cortège de Paris vont en outre focaliser l'attention sur ce seul sujet occultant tout débat sur les aspects sociaux des manifestations du 1er mai.
Chem Assayag
MàJ à 20h, le 1 er mai: les violences - évidemment condamnables - constatées dans le cortège de Paris vont en outre focaliser l'attention sur ce seul sujet occultant tout débat sur les aspects sociaux des manifestations du 1er mai.
Chem Assayag
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