Les démocraties malades de la peste.


La pandémie de Covid-19 agit comme un puissant révélateur, elle met au  jour les maux de nos sociétés avec une acuité saisissante. Dans ce contexte le fait que les pays les plus touchés par le coronavirus soient ceux qu’on qualifie d’ordinaire de « démocraties occidentales » (USA, France, UK, Italie..), pays qui sont par ailleurs parmi les plus riches du monde, devrait nous interpeller. On pourrait invoquer un comptage des malades et des victimes plus juste et transparent que dans d’autres pays comme la Chine, des densités de population élevées dans certaines villes particulièrement touchées (Londres, New York, Paris), ou encore la faute à « pas de chance » avec l’émergence aléatoire de « clusters » épidémiques, mais ces explications nous apparaissent comme partielles.  Dès lors quel pourrait être le facteur explicatif de l’intensité de cette plaie qui s’abat sur ces pays ?
Il nous semble que ce qui relie ces pays c’est l’incapacité à penser le temps long, et dès lors l’incapacité à faire de la prévention. Dans ces pays où le principal moteur de la vie sociale est devenue l’économie, et singulièrement l’économie au service des intérêts privés, la planification a quasiment disparu pour faire place à la gestion immédiate et à court terme de toutes les questions économiques et sociales, et donc sanitaires. La société s’est alignée sur le mode de fonctionnement des « marchés » dont l’horizon est le trimestre, rythmés par les annonces des résultats des entreprises côtées. Tout ce qui relève d’une date lointaine est perçu comme inutile car non mesurable et donc non valorisable. Cette grille de lecture se superpose aux mécanismes politiques de choix des dirigeants, c’est à dire aux élections qui se succèdent à une vitesse effrénée : aux Etats Unis les présidentielles ont lieu tous les 4 ans, c’est à dire qu’au bout de trois ans le Président est en campagne !, en France les campagnes électorales se succèdent sans arrêt (présidentielles, législatives, européennes, régionales, municipales..), au UK on a assisté à deux élections générales en moins de 3 ans, et en Italie et en Espagne l’instabilité est reine depuis plusieurs années. Dès lors l ‘économie et la politique font système pour imposer une dictature de l’immédiat, du court terme et donc empêcher toute action débouchant sur des résultats qui ne seraient pas visibles rapidement. Investir réellement sur la transition écologique ? N’y pensons pas car cela veut dire des bénéfices en baisse à court terme et des décisions impopulaires sur les modes de vie. Garantir dans la durée des plans de prévention des épidémies ? N’y pensons pas car cela imposerait de consacrer de l’argent à de l’incertain, et donc du non rentable. Travailler dans la durée sur la revitalisation des territoires et leur réindustrialisation ? N’y penons pas car cela revient à ne pas laisser les entreprises faire ce qu’elles veulent et prendre le risque de déplaire. Par contraste un pays come la Chine qui définit des plans à 20, 30 ans apparaît comme beaucoup plus capable d’investir sur des sujets de long terme.
Dès lors le défi immense qui est celui de nos pays est celui d’inventer des mécanismes de gouvernance qui concilient démocratie et capacité à planifier, penser le temps long. Sans cela nous aurons d’autres crises sanitaires et surtout nous assisterons à la méta-crise écologique, qui sera d’une ampleur bien plus grande que celle qui nous frappe aujourd’hui. Si nous ne sommes pas capables de d’inventer ce nouveau modèle le « monde d’après » ne sera qu’un monde d’avant en pire.

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