L'Election Présidentielle N'aura Pas Lieu


       Présidentielle 2022 : les propositions des candidats pour la santé des  Français | Santé Magazine 

Comme un symbole. Il y a quelques jours TF1 annonçait que la soirée électorale du premier tour des présidentielles, le 10 avril, allait être écourtée au profit de la diffusion du film « Les Visiteurs ». Une des raisons avancées pour justifier ce choix était que « « les usages, les goûts et les attentes des téléspectateurs ont évolué », ce qui était une façon polie d’évoquer le désintérêt pour cette élection.

Ici il faut rappeler la perte de confiance dans la politique et ceux qui la portent, qui se traduit notamment par un taux d’abstention aux différentes élections en croissance continue au cours des dernières décennies. Cette désaffection ou ce désamour a des causes multiples sur lesquelles nous ne reviendrons pas mais il est une tendance de fond qui concerne aussi l’élection présidentielle. On n’y croit plus et donc on n’y fait plus vraiment attention.

Ce désintérêt repose donc sur des éléments structurels  mais aussi d’autres plus conjoncturels, sachant que, in fine,  – cause et conséquence de cette situation - la réélection d’Emmanuel Macron semble certaine. Ainsi dans toutes les enquêtes d’opinion il est largement en tête au premier tour et donc systématiquement qualifié pour le second, et il l’emporte ensuite facilement quel que soit son adversaire. Ainsi le 25 mars le magazine britannique « The Economist » le donnait vainqueur avec une probabilité de 92% ! 

Quant aux raisons plus spécifiques liées au contexte de cette élection 2022 nous pouvons les regrouper en trois thématiques.

Une actualité « trop » forte

La campagne présidentielle a été lancée à l’automne dernier mais la crise du Covid a continué à dominer l’actualité jusqu’au début de l’année 2022 (troisième dose, pass vaccinal..). Cela restait le sujet médiatique numéro un et sans doute la préoccupation centrale des Français ; en contrepoint l’élection était une thématique encore lointaine et presque mineure.  Et puis à partir de février 2022 la crise puis la guerre en Ukraine ont saturé l’espace médiatique, reléguant totalement la campagne électorale au second plan, et ce malgré le début de la campagne officielle.  Ainsi à moins de trois semaines de l’élection le niveau de mobilisation des Français est très faible, en grande partie parce que leur attention est focalisée ailleurs.

Une campagne médiocre

La campagne a été d’un niveau assez médiocre pour ne pas dire mauvais ; pendant de longs mois le seul sujet a semblé être celui de l’ascension d’Eric Zemmour, qui a fait la une de la presse et des chaînes d’informations ; déclarations, provocations, positionnement des uns ou des autres par rapport à ce candidat, tout semblait tourner autour de cette problématique. On a pu même se demander si les médias n’avaient pas créé le phénomène Zemmour (ce que semble montrer d’une certaine façon son recul sensible dans les sondages lors des dernières semaines). Dès lors des sujets de fond, critiques pour l’avenir du pays ont été  complètement occultés. L’absence quasi-totale de débat autour des questions écologiques et climatiques est un exemple assez sidérant de cette situation.

En outre Emmanuel Macron est entré en campagne très tardivement profitant jusqu’au dernier moment d’une posture de candidat (non déclaré) mais toujours Président, et refusant en outre tout débat sérieux sur son bilan et son programme, ce qu’avaient déjà fait ses prédécesseurs dans la même situation mais qui pose de sérieuses questions sur le fonctionnement de notre démocratie.

Des candidatures éparpillées et sans impact

Comme en 2017 Emmanuel Macron bénéficie de circonstances exceptionnelles. En 2017 la décision de François Hollande de ne pas se présenter, couplée à l’affaire Fillon, avaient créé les conditions de son élection. En 2022 la crise Covid, qui lui a permis de se présenter en protecteur de la nation notamment à travers le « quoi qu’il en coûte » – et qui par ailleurs a quasiment gelé  toute l’activité gouvernementale depuis 2 ans – puis la guerre en Ukraine qui lui confère un rôle de chef de guerre, entraînent un réflexe classique de regroupement autour de la figure du Président. C’est ce que certains appellent « l’effet drapeau ».

En face la concurrence est faible. La gauche est éparpillée façon puzzle pour reprendre l’expression de Michel Audiard, avec des rebondissements tragicomiques (la gestion des suites de la primaire écologique, ou le crash de la Primaire Populaire avec le retrait de Christiane Taubira) et des niveaux d’intentions de vote dramatiquement bas (Yannick Jadot autour de 5%, Anne Hidalgo à 2,5%, Fabien Roussel autour de 3%...). Seul Jean-Luc Mélenchon semble surnager mais reste encore assez loin du score nécessaire pour une qualification au second tour.

A droite la polarisation autour de la candidature Zemmour a déporté la campagne sur des thèmes clivants, rendant Valérie Pécresse en grande partie inaudible avec son positionnement flou, et la coinçant dans une position inconfortable entre l’extrême droite et le Président sortant. Quant à Marine Le Pen elle reste finalement une solide deuxième et le match retour « attendu » depuis 2017 entre elle et le président sortant semble de plus en plus probable.

Dès lors Emmanuel Macron se pose en candidat du centre et de la droite – ce qu’il était déjà en réalité en 2017 – sans avoir à faire campagne, capitalisant sur la faiblesse de ses adversaires et sa position en surplomb. Il semble « enjamber » la campagne.

Nous sommes donc prêts à parier sur un deuxième tour Marine Le Pen / Emmanuel Macron avec un résultat connu d’avance, c’est-à-dire la réélection de ce dernier; la seule question étant alors celle de son score et le niveau d’abstention.  La campagne n’aura alors pas eu lieu et l’élection pas vraiment non plus.

Dès lors la « vraie » élection présidentielle, c’est-à-dire l’échéance qui permettrait de vraiment faire des choix sur la conduite du pays et son avenir, aurait lieu quelques semaines plus tard avec les élections législatives. En tout cas c’est ce qu’on peut espérer.


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