Mes chers compatriotes...
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Mes chers compatriotes,
Je reviens vers vous avec un discours de vérité ; enfin ! pourrez-vous penser. Jusqu’à présent nous avons très mal géré la pandémie liée au Sars Cov2. Bien sûr cela est dû au virus lui-même, nouveau, dangereux et déroutant et à la difficulté de trouver les bonnes parades, thérapeutiques et organisationnelles. Mais pour une large part cet échec est dû à nos petits calculs, à nos lâchetés, à notre désorganisation, à nos mensonges et à notre entêtement à poursuivre des politiques absurdes.
Oui nous aurions dû dès le mois de mars nommer un M ou une Mme Covid en charge des réponses à la pandémie et ayant autorité sur l’ensemble des services de L’État sur ce sujet. Nous avons préféré ne rien bousculer des organisations en place et laisser chacun œuvrer sur son petit périmètre, en espérant que la coordination et la coopération se feraient par magie. Nous avons eu tort.
Oui nous n’avions pas de masques au printemps et nous aurions dû le dire aux français ; à partir de ce constat nous aurions alors dû préconiser d’en coudre ou d’utiliser des écharpes faute de mieux. Mais non, nous avons préféré mentir en disant qu’ils étaient inutiles ou que vous ne sauriez pas le porter… Et nous aurions dû être clairs : le masque est très important en lieu clos mais très peu dans des lieux ouverts, et nous aurions dû le rendre obligatoire dans tous ces lieux clos dès la fin du confinement.
Oui nous n’avons pas assez de lits en réanimation et plus largement de moyens humains et matériels pour faire face à l’épidémie. Cela est le résultat de politiques comptables de gestion de l’hôpital menées depuis des décennies. Nous y avons pris notre part depuis que nous sommes au pouvoir, par idéologie. Désormais nous devons réinvestir massivement dans ce bien public qu’est l’hôpital et devons le faire sur le long terme. Là, pour faire face à l’urgence nous aurions dû lancer un plan de recrutement massif et attractif pour pérenniser le fonctionnement des lits ouverts en mars/avril, plutôt que de continuer à en fermer. Nous aurions dû aussi former activement des praticiens à certaines nouvelles tâches depuis la fin du confinement. Nous ne l’avons pas fait et c’était stupide. De même nous aurions dû nous coordonner dès le départ avec le secteur privé pour répartir les efforts hospitaliers, et associer la médecine de ville à la détection des cas et au soin des formes bénignes de la maladie. Nous aurions aussi dû aussi préserver la liberté de prescription des médecins, qui sont les plus à même d’affronter la maladie en première ligne. En dépit du bon sens nous avons préféré revenir sur ce principe fondateur de notre médecine.
Oui nous n’avions pas suffisamment de tests au printemps et avons fixé une doctrine quantitative (le plus de tests possible sans discernement) quand ils sont arrivés, dans une espèce de tentative de rattrapage. Nous avons fait de la communication et c’était puéril. Quand nous avions peu de capacités de tests, nous aurions dû les faciliter en mobilisant par exemple des labos non spécialisés. Nous aurions dû autoriser les tests antigéniques depuis longtemps comme le font nos voisins et rendre obligatoire la fourniture de tests négatifs – ou les tester nous-mêmes à leur arrivée - pour les voyageurs entrant sur le sol français, et ce depuis des mois. Nous aurions dû réellement faire la pédagogie et la promotion des moyens de suivi des cas contacts comme l’application sur mobile, ou renforcer les dispositifs de terrain pour remonter les chaînes de contamination. Et puis quand les tests sont devenus disponibles en nombre nous aurions dû cibler la détection des cas sur les personnes fragiles ou âgées, pour les isoler, les protéger – et protéger leur entourage - et les soigner. Nous avons préféré faire tout cela en amateurs, en dilettantes, sans réelle stratégie.
Oui nous aurions dû rendre le télétravail obligatoire – pas seulement souhaitable, pas seulement recommandé – depuis que nous voyons que les indicateurs sanitaires se détériorent. Mais bon nous n’avons pas voulu froisser certaines entreprises et leurs dirigeants ou encore certaines de nos administrations…
Oui nous passons notre temps à changer d’indicateurs, à ne pas expliquer leurs biais, à rendre très difficile toute comparaison, toute analyse des données. Nous aurions pu tester des échantillons représentatifs de la population depuis des mois pour savoir combien de français étaient réellement contaminés, mais nous ne l’avons pas fait. Nous aurions pu lancer des études pour étudier les lieux de contamination, mais nous ne l’avons pas fait. Nous préférons décider dans le brouillard.
Oui nous aurions dû laisser les restaurants, les bars, les salles de concert, les cinémas, les théâtres, les libraires ouverts. Tous ces lieux si importants pour le lien social. Mais nous aurions fait cela seulement pour ceux qui respectaient strictement les protocoles sanitaires, et nous aurions dû être impitoyables avec ceux qui ne les respectaient pas. A la place nous avons indistinctement fermé tous ces endroits.
Oui nous aurions dû laisser ouverts les commerces, tous les commerces, mais avec des protocoles stricts et en les contrôlant. Mains non nous avons plutôt inventé des listes, séparant l’essentiel et le non essentiel selon des critères absurdes que personne n’est capable d’expliquer.
Oui il aurait fallu isoler les cas positifs ; les isoler vraiment dans des lieux dédiés pendant une dizaine de jours – et prévoir la logistique pour le faire dans des conditions décentes - ou s’assurer que les personnes contaminées respectaient elles-mêmes un confinement. Mais il aurait fallu des moyens, y compris des moyens de contrôle, et un discours ferme. Or nous avons préféré dépensé de l’argent ailleurs et compter sur la bonne volonté des malades. Mais malheureusement la bonne volonté ne suffit pas.
Oui il aurait fallu prévoir des mesures de confinement ciblées pour les plus âgés et les plus fragiles, et organiser leur soutien en conséquence – par exemple en leur dédiant des créneaux horaires dans les magasins, ou encore en leur fournissant des masques FFP2. Mais ce sont des mesures impopulaires et nous avons préféré ne rien faire, et tenir des discours théoriques sur la non-discrimination.
Oui nous avons pris toutes nos décisions de façon autocratique, sans réel débat public ou parlementaire, parfois dans un Conseil de Défense sans légitimité sur ces questions. Nous avons créé des lois d’exception, mis en œuvre des états d’urgence, restreint les libertés. Nous avons laissé nos concitoyens à l’écart, simples spectateurs, et privés de droits fondamentaux. Et aujourd’hui nous nous étonnons de leurs étonnements.
Oui nous avons confiné au printemps et sans doute à ce moment-là c’était la seule décision possible. Mais depuis nous aurions dû apprendre, prévoir, planifier, avoir une stratégie. Et si nous pouvons expliquer les avantages à court terme d’un confinement au plan sanitaire, nous n’avons jamais évalué ses effets à moyen et long terme, qui pourraient être bien plus négatifs que les bénéfices immédiats. Nous n’avons jamais présenté l’ensemble des arguments pour orienter nos concitoyens et les éclairer sur nos choix.
Voilà la somme de nos erreurs, de nos errements. Oh, bien sûr certains ont fait aussi mal que nous et c’est un argument que nous avons utilisé. Mais est-ce une consolation ? Faire partie d’un groupe de mauvais élèves nous rend-il plus excusables ? Et surtout certains ont fait beaucoup mieux mais nous n’avons rien fait pour apprendre d’eux. Alors oui notre économie est à genoux, nos résultats sanitaires mauvais, les perspectives sociales sombres, et cela n’est pas seulement dû à la fatalité du virus. Nous avons failli.
ll nous reste maintenant à changer de cap, radicalement, à tenir un discours de vérité. Clair. Honnête. Mobilisateur. Quand nous ne savons pas nous le dirons. Quand plusieurs options seront possibles nous les exposerons et en débattrons. Quand il faudra faire des choix nous les expliquerons. Et nous ferons ce que nous aurions dû faire, même si c’est avec retard.
Alors peut-être vous pourrez nous excuser et nous aider à vaincre cette pandémie. Peut-être.
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