Articles

Affichage des articles du 2023

Prométhée Déchaîné

Image
  « "Prométhée a dérobé le feu sacré de l'Olympe pour en faire don aux humains. Courroucé par cet acte déloyal, Zeus le condamne à une torture éternelle », citation du début du film « Oppenheimer » de Christopher Nolan. Au-delà de la dimension biographique d’« Oppenheimer » de Christopher Nolan le film tisse des liens passionnants avec notre époque et la question du rapport à la Technique, notamment quand elle est de nature « prométhéenne ». Ici l’on parle de technologies – on aurait sans doute parlé de « découvertes scientifiques » dans les années 40 ou 50 – qui ont la capacité de changer de façon fondamentale le rapport de l’humanité au monde et à elle-même. Dans le cas de la technologie nucléaire associée à Robert Oppenheimer c’est la maîtrise de l’énergie qui en jeu, comme un écho du mythe prométhéen, et au-delà la possibilité de détruire tout ou partie de notre planèt

Le Stade Al Nassr du capitalisme

Image
Tribune publiée dans le journal La Croix du 21 septembre 2023   Le 30 décembre 2022 Cristiano Ronaldo – l’un des deux plus grands joueurs de football du XXIème siècle avec Lionel Messi – annonçait qu’il allait rejoindre le club de Al-Nassr en Arabie Saoudite. Cette annonce avait fait grand bruit en raison de l’aura de Ronaldo, mais il était un joueur en fin de carrière, qui restait sur un échec avec le club de Manchester United, et la plupart des observateurs considéraient qu’il s’agissait d’un mouvement isolé, motivé par un salaire annuel gargantuesque de 200 millions d’euros. Ronaldo, à 38 ans, rejoignait la liste de joueurs prestigieux mais en déclin qui faisaient un dernier tour de terrain en monnayant chèrement leurs services dans des championnats exotiques en mal de notoriété et de tête d’affiche. Ainsi en 1975, déjà !, l’immense Pelé avait signé au Cosmos de New York à 34 ans – pour un salaire annuel d’un montant de 1,4M$, considéré à l’époque comme énorme -, ou p

Eux et Nous

Image
    Depuis les émeutes des dernières semaines à la suite de la mort de Nahel c’est la sidération qui domine. En effet la violence, l’étendue, et la soudaineté des « manifestations » d’une partie de la jeunesse française nous laisse à la fois impuissants et incrédules. Comment est-ce possible ? Comment cela a-t-il pu arriver sous « cette forme » ? Qu’est ce qui est à l’œuvre et cela peut-il recommencer ? Ces questions nous taraudent et les commentaires succèdent aux articles, les déclarations succèdent aux annonces, sans qu’une explication qui fasse consensus n’émerge réellement. Bien sûr il est évident que les circonstances de la mort de Nahel ont constitué l’étincelle qui a déclenché l’embrasement, mais cela ne permet pas de comprendre la forme (jeunesse des émeutiers, pillages systématiques) et l’ampleur (nombre de villes touchées y compris en leur cœur, recherche d’atteintes physiques envers les forces de l’ordre) de ces évènements. Devant cette difficulté, voire

Un autre récit

Image
  Quel récit substituer à celui du capitalisme pour faire face notamment aux enjeux climatiques ? C'est le défi qui nous attend.   Les récits fondent les sociétés et constituent le lien qui en unit les membres ; qu’ils soient mythologiques, religieux, ou idéologiques ils constituent la trame qui fait l’Histoire. Ils ont ceci de commun qu’ils permettent aux humains de savoir quelle est leur place dans le monde, et de leur proposer un futur désirable. Tout au long du XXème siècle le récit qui s’est imposé de façon globale sur la planète est celui du capitalisme. D’inspiration anglo-saxonne et plus largement porté par ce qu’on pourrait appeler l’Occident, il s’appuie sur une maîtrise de la technologie et du droit – y compris utilisé de façon offensive -, sur la sacralisation de la propriété privée et du marché, et sur une promesse de progrès pour tous. Ici le progrès c’est essentiellement la capacité à accumuler, et notamment la capacité à accumuler des biens m

Les Tables de l’IA

Image
Pour une régulation rapide, internationale et contraignante des IAs. En 1942 le célèbre écrivain de science fiction Isaac Asimov formulait les trois lois de la robotique qui allaient parcourir son œuvre : 1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger. 2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi. 3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi. Ces 3 lois s’appliquent à des « robots positroniques » tels que les qualifie Asimov, et qu’on pourrait considérer comme des machines électroniques dotées d’une forme de conscience. En intégrant ces trois lois dans le programme informatique – code – des robots l’objectif est de rendre impossible qu’ils fassent du mal aux humains. Évidemment avec l’irruption des Intelligences Artificielles Génératives comme

Jusqu’ici tout va bien.

Image
           Dans « 1984 » George Orwell avait magistralement illustré une utilisation dénaturée du langage pour imposer une vision totalitaire du monde. Dans la novlangue orwellienne ( newspeak ), la langue est appauvrie, corrompue et  in fine  littéralement retournée et l’on peut affirmer « War is peace . Freedom is slavery. Ignorance is strength » (La guerre c’est la paix. La liberté c’est l’esclavage. L’ignorance c’est la liberté »).  Sans aller aussi loin que dans « 1984 », dans nos sociétés occidentales contemporaines, les champs politiques et économiques ont aussi été contaminés par une novlangue qui vide les mots de leur sens. Le premier objectif poursuivi est celui d’une euphémisation du réel. Il s’agit d’adoucir, d’édulcorer, de rendre inoffensif ce qui pourrait heurter, faire mal. Il y’a sans doute une visée quasi magique dans le processus, car on espère qu’en nommant mal la chose, elle perdra de sa dureté. Le langage n’est plus performatif au sens habituel (je dis/nomme quelq