Articles

Penser l’impensable

Image
                         La langue française aime les oxymores et « penser l’impensable » en est une belle illustration. S’il nous est impossible de « penser l’impensable » il nous est en revanche possible de penser l’imprévu, l’improbable, l’inattendu, et parfois la catastrophe, c’est-à-dire un événement extrême aux conséquences tragiques. A l’instar du philosophe Jean Pierre Dupuy (« P our un catastrophisme éclairé : quand l'impossible est certain » ,   Seuil , 2002), c’est en nous préparant aux catastrophes que nous pouvons espérer les éviter. En ce qui concerne la guerre en Ukraine il nous semble que nous refusons de penser sérieusement trois évènements, qui chacun à leur manière pourrait nous mener à la catastrophe, et qu’il convient justement de réellement s’y préparer pour qu’elle n’advienne pas. Le premier évènement qui pourrait constituer une bifurcation de l’histoire est l’élection présidentielle américaine et son résultat. On peut considérer que l’élection de Donald Trum

Le Super Bowl ou le symbole d’une société déboussolée

Image
  25-12. C’est le score du dernier Super Bowl du 11 février dernier qui a vu les Kansas Chief, emmené par leur joueur phare Patrick Mahomes, remporter la partie et donc le titre de champion NFL  -championnat de football américain - contre les San Francisco 49ers. Mais au-delà de l’aspect sportif, le Super Bowl et singulièrement cette édition, est l’expression fascinante et troublante des contradictions de plus en plus intenables dans lesquelles se débat la société américaine, et au delà une bonne partie des sociétés occidentales. Tout d’abord le match avait lieu à Las Vegas. Ville de tous les excès et de toutes les démesures. Une ville de 2 millions d’habitants, bâtie au milieu du désert, sorte de parc d’attractions géant pour adultes qui attire 40 millions de touristes par an. Mais l’envers du décor ce sont des milliers de sans-abri, qui vivent parfois dans les égouts. Des problèmes d’approvisionnement en eau de plus en plus graves. Des activités de jeu qui servent de circuit de blanc

Technosécessionisme

Image
  Depuis plus de 30 ans la côte ouest américaine et singulièrement la Silicon Valley en Californie est l’épicentre des grandes mutations numériques qui façonnent notre vie quotidienne, et ses entreprises emblématiques, les GAFAM, sont parmi les plus puissantes du monde. Après l’arrivée d’Internet à la fin des années 90, l’émergence du paradigme du smartphone et des réseaux sociaux après 2007, c’est la généralisation des IA (génératives) qui semble être le moteur de la prochaine vague d’innovation technologique, économique et sociétale, venant de la Valley. A ce stade OpenAI avec son emblématique patron Sam Altman semble être la société qui représente le mieux cette « promesse » d’une nouvelle ère. Mais quelle est justement cette nouvelle ère que l’on nous promet ? de quoi sera-t-elle faite ? Ici il paraît important de s’arrêter sur certaines des idéologies, c’est-à-dire des systèmes d'idées générales articulées entre elles qui sont à la base d'un comportement individuel ou coll

Prométhée Déchaîné

Image
  « "Prométhée a dérobé le feu sacré de l'Olympe pour en faire don aux humains. Courroucé par cet acte déloyal, Zeus le condamne à une torture éternelle », citation du début du film « Oppenheimer » de Christopher Nolan. Au-delà de la dimension biographique d’« Oppenheimer » de Christopher Nolan le film tisse des liens passionnants avec notre époque et la question du rapport à la Technique, notamment quand elle est de nature « prométhéenne ». Ici l’on parle de technologies – on aurait sans doute parlé de « découvertes scientifiques » dans les années 40 ou 50 – qui ont la capacité de changer de façon fondamentale le rapport de l’humanité au monde et à elle-même. Dans le cas de la technologie nucléaire associée à Robert Oppenheimer c’est la maîtrise de l’énergie qui en jeu, comme un écho du mythe prométhéen, et au-delà la possibilité de détruire tout ou partie de notre planèt

Le Stade Al Nassr du capitalisme

Image
Tribune publiée dans le journal La Croix du 21 septembre 2023   Le 30 décembre 2022 Cristiano Ronaldo – l’un des deux plus grands joueurs de football du XXIème siècle avec Lionel Messi – annonçait qu’il allait rejoindre le club de Al-Nassr en Arabie Saoudite. Cette annonce avait fait grand bruit en raison de l’aura de Ronaldo, mais il était un joueur en fin de carrière, qui restait sur un échec avec le club de Manchester United, et la plupart des observateurs considéraient qu’il s’agissait d’un mouvement isolé, motivé par un salaire annuel gargantuesque de 200 millions d’euros. Ronaldo, à 38 ans, rejoignait la liste de joueurs prestigieux mais en déclin qui faisaient un dernier tour de terrain en monnayant chèrement leurs services dans des championnats exotiques en mal de notoriété et de tête d’affiche. Ainsi en 1975, déjà !, l’immense Pelé avait signé au Cosmos de New York à 34 ans – pour un salaire annuel d’un montant de 1,4M$, considéré à l’époque comme énorme -, ou p

Eux et Nous

Image
    Depuis les émeutes des dernières semaines à la suite de la mort de Nahel c’est la sidération qui domine. En effet la violence, l’étendue, et la soudaineté des « manifestations » d’une partie de la jeunesse française nous laisse à la fois impuissants et incrédules. Comment est-ce possible ? Comment cela a-t-il pu arriver sous « cette forme » ? Qu’est ce qui est à l’œuvre et cela peut-il recommencer ? Ces questions nous taraudent et les commentaires succèdent aux articles, les déclarations succèdent aux annonces, sans qu’une explication qui fasse consensus n’émerge réellement. Bien sûr il est évident que les circonstances de la mort de Nahel ont constitué l’étincelle qui a déclenché l’embrasement, mais cela ne permet pas de comprendre la forme (jeunesse des émeutiers, pillages systématiques) et l’ampleur (nombre de villes touchées y compris en leur cœur, recherche d’atteintes physiques envers les forces de l’ordre) de ces évènements. Devant cette difficulté, voire