La loi travail met fin aux JO
Une des conséquences les plus inattendues de
la loi Khomri est l’affaiblissement, sans doute rédhibitoire, de la candidature
de Paris pour l’attribution des JO 2024. Le spectacle donné en effet par notre pays
est assez terrible quand on souhaite organiser à nouveau un grand événement
international. On pourra citer en vrac, grèves dans les transports, blocage des
raffineries, manifestations, parfois violentes, et pour couronner le tout des
rues parisiennes jonchées d’ordures depuis quelques jours. En outre tout cela intervient au moment où la
menace terroriste est très élevée, mobilisant les forces de l’ordre sur des
opérations dont elles se seraient bien passées. Triste spectacle, triste
printemps.
La loi El Khomri, que ce soit de bonne ou de
mauvaise foi – certains mouvements sociaux en cours n’ont en effet pas grand-chose
à voir avec cette loi – est la matrice de cette situation. C’est le résultat malheureux
de l‘inconséquence gouvernementale et de l’archaïsme syndical et patronal.
Un gouvernement inconséquent
Dialogue social. Voilà un mantra sans cesse
répété par ce gouvernement, or, si un loi semble avoir été élaborée sans
concertation c’est bien la loi El Khomri. Dès le départ les déclarations de la
Ministre évoquant l’utilisation 49-3 ont lancé le débat sur des bases
totalement faussées, le gouvernement donnant le signal d’une forme
d’inflexibilité. L’utilisation effective du 49-3, dans une forme de prophétie
auto réalisatrice venait d’ailleurs confirmer cet étrange postulat initial.
Le gouvernement, tout à sa volonté de se
montrer « réformateur », surtout en année pré-électorale, a oublié
que les lois sociales ne peuvent être acceptées sans explication, pédagogie et
vision. Il a oublié que la psychologie, sur ces thèmes, est au moins aussi
importante que les arguments rationnels.
La loi travail, quoiqu’on pense – et j’ai dit
sur le blog le mal que je pensais de certaines mesures dans leur première
version – modifie potentiellement de façon significative la rapport au travail.
Or dans une société française hantée par la peur du déclassement et le
cauchemar du chômage, tout ce qui
contribue à une forme de flexibilité est vécu comme une menace. Menace pour soi
ou ses proches. Si certains peuvent
penser qu’au niveau macroéconomique la loi permettra s’améliorer la situation
de l’emploi, ils oublient que le ressenti premier est lié pour chaque salarié à
son propre vécu, et en l’occurrence au pressentiment d’un risque accru de
précarité. La loi est donc majoritairement rejetée par les français, et son
application n’en sera que plus difficile.
Ainsi sur un tel sujet il aurait fallu une
longue concertation, une préparation du corps social et un consensus entre les
différents acteurs de la vie économique. En faisant fi d’un réel débat, de
surcroît dans une période précédant un événement majeur, le gouvernement a pris
un risque important, il a même été d’un amateurisme coupable. Le résultat, lui,
n’est pas inattendu : le pays est plongé dans un désordre de basse
intensité depuis de nombreuses semaines, et le gouvernement en sortira
affaibli.
Syndicats et patronats, archaïsme(s) même
combat.
Si nous avons les représentants syndicaux et
patronaux que nous méritons, alors nous ne sommes pas très méritants. D’un
côté, un MEDEF qui semble se caricaturer en permanence, entraîné par son
président dans une forme de provocation stérile, et dont la seule ambition
semble être de dégrader les conditions de travail des salariés. A tel point
qu’on assiste à l’étrange spectacle de Laurence Parisot, l’ex présidente du
MEDEF, qui critique son sérieusement les postures actuels du patronat.
De l’autre, des syndicats qui semblent
obnubilés par leur hiérarchie dans le paysage social et la défense des
situations acquises, notamment pour ceux qui sont déjà les plus protégés. A ce
titre le CGT et SUD rivalisent d’imagination ; en passagers clandestins de
la contestation à la loi El Khomri ils ont par exemple durci le mouvement à la
SNCF, ou lancé la grève des éboueurs, qui pour l’essentiel ne sont pas
concernés par cette loi. Certains ont même évoqué le concept assez spécieux de
« grève préventive » !
On peut aussi évoquer le mouvement des pilotes
à Air France dont plus personne ne comprend les revendications, à part la
défense systématique du statu quo.
Dans tous ces exemples, les syndicats
semblent incapables de toute proposition, de toute évolution, qui permettrait
d’adapter les conditions de travail aux évolutions technologiques et
économiques, Ainsi quand les trains seront
pilotés par des robots on peut être sûr que la CGT et SUD continueront de
demander que les mêmes règles de récupération s’appliquent aux conducteurs…
Nous sommes donc dans un paysage social désolé
avec des syndicats très peu représentatifs, et qui sont donc dans la surenchère
permanente, qui ont une image dégradée,
et qui sont incapables d’imaginer des pistes pour une amélioration de la vie au
travail des salriés qu’ils sont censés représenter.
SI la formule de « dialogue social » doit avoir un sens, c’est bien à une
refondation complète de ses modalités qu’il
faut appeler. Refondation qui passerait par des processus d’élaboration des
lois obligeant à la concertation des acteurs sociaux, et qui ferait de leur
représentativité réelle une
condition fondamentale de leur légitimité. En attendant nous regarderons sans doute les
JO 2024 devant notre TV.
Chem Assayag
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