Le FN ou la maladie opportuniste de la société française

Une maladie opportuniste est « une maladie due à des germes habituellement peu agressifs mais qui sont susceptibles de provoquer de graves complications en affectant des personnes ayant un système immunitaire très affaibli » (source Wikipédia). Ce qu'il est important de noter c’est que « les maladies opportunistes ne sont généralement pas dangereuses pour les personnes en bonne santé, mais avec un système immunitaire affaibli, elles se révèlent mortelles « (source Sante Médecine).
Aujourd’hui le FN est comme une maladie opportuniste qui a attaqué le corps social français, et maintenant peut devenir létale.

Un corps social affaibli

En effet pendant de nombreuses années le parti de Jean Marie Le Pen, créé en 1972, était heureusement confiné à une frange ultra-minoritaire de la population française, revendiquant un positionnement xénophobe et raciste, et puis petit à petit il a profité de l’affaiblissement du corps social miné par la stagnation économique, le chômage, des changements incessants et anxiogènes, et le délitement des solidarités, pour s’enraciner, se développer et aujourd’hui le menacer. Le FN qui était une maladie bégnine – dans toutes les démocraties il y  a des partis extrémistes - lorsque la société française allait relativement bien est devenue une pathologie potentiellement mortelle, car elle aggraverait encore son état, pour cette société qui est dans un état déplorable. Le FN a prospéré en raison de l’affaiblissement général de la société française.
Ici la responsabilité des médecins, c’est à dire des partis politiques traditionnels est immense. Il faut le dire clairement et simplement, le PS et les Républicains (UMP) ont été inefficaces, incompétents, et le plus souvent lâches. La liste de leurs erreurs ressemblerait à une litanie à La Prévert, depuis des politiques économiques incohérentes, à des jeux d’appareils archaïques, ou encore des volte-face permanentes. A ce titre la bataille pour la région Ile de France entre Claude Bartolone et Valérie Pécresse montre le niveau inquiétant auquel nous sommes arrivés, et dans ce cas précis l’absence de menace réelle du FN en Ile de France illustre la médiocrité du débat lorsque « les partis de pouvoir » se retrouvent face à face.

Déverrouiller le système politique

Souvent nous dit-on un peuple a les politiques qu’il mérite, cette « maxime » semble faire du peuple le responsable premier de la médiocrité de ses gouvernants (« vous aviez qu’à en choisir d’autres ! »)
En l’occurrence cette assertion est fausse car le système politique français est totalement verrouillé. Ceux qui sont au pouvoir – alternativement le PS et les Républicains- s’y accrochent désespérément tels des naufragés et empêchent toute évolution. La vision électoraliste à court terme – je fais tout pour gagner –, la course effrénée pour les places, la défense des intérêts personnels et corporatistes au détriment de toute vision de l’intérêt général, les conduisent à ne rien faire, ou plutôt à se battre uniquement pour préserver leurs positions actuelles.
Introduction de la proportionnelle ? Non. Réel non cumul des mandats, y compris dans le temps ? Non. Possibilité pour les citoyens de pouvoir  réellement lancer des initiatives législatives ? Non. Simplification de l’appareil législatif et de l’organisation territoriale ? Non. On pourrait continuer l’énoncé des mesures qui permettraient de donner un peu d’oxygène à la vie politique française, de ne pas voir toujours les mêmes têtes – Laurent Fabius qui clôt la COP 21 était Premier Ministre en 1984 !, et Alain Juppé qui sera candidat à la primaire à droite en 2017 était Premier Ministre en 1995…- , de permettre l’émergence de nouvelles pratiques dans l’exercice du pouvoir, de redonner de la noblesse à la politique.
On pense souvent que les réformes institutionnelles sont au mieux inutiles, au pire néfastes. Dans le cas de la France elles sont devenues vitales.

J’ai évoqué dans le paragraphe précédent des pistes simples qui pourraient être développées y compris dans le cadre de la Vème république. Si on allait plus loin, notamment en remettant en cause le prééminence du Président de la République dans la vie politique française, il faudrait alors aussi envisager une nouvelle constitution et passer à une VIème république.
Sans changement la colère continuera de monter, le FN gagnera d’autres batailles électorales, et le pays continuera de s’enfoncer dans la crise ; rongé par la sclérose qui l’atteint depuis plus de 20 ans, et menacé par la maladie opportuniste du FN. Au bout du processus il n’y aurait alors que de très mauvaises nouvelles.

Commentaires

  1. C'est un peu réducteur de définir le FN par la xénophobie et le racisme, même si ces penchants font partie de son arsenal. Le FN est le représentant d'une France idéalisée et mythique (qui n'a donc jamais existée). Le Pen était un député de Poujade en 1956 qui n'était en rien raciste et/ou xénophobe, au moins à ses débuts. La France est un pays particulièrement conservateur, ce qui la mène au blocage, y compris le blocage de la représentation politique. Une crise survient et avec lui le déblocage et une phase de progrès, jusqu'à la prochaine fois (1789, 1815, 1870, 1914-18-45, 1958, ...). Et puis il faut se poser la question des personnes que nous élisons. Nous les élisons parce qu'elles se présentent. Mais qui se présente ? Des gens dont l'intérêt personnel dépasse (et de loin) l'intérêt général. Notre classe politique est passée par ScPo et l'ENA, pour ce qui est des dirigeants; pour les petits potentats, on retrouve une sous classe de fonctionnaires ou de notables locaux dont les ambitions seraient mieux servies par une parcelle de pouvoir. Quand a-t on vu un chef ou des cadres d'entreprise briguer des mandats politiques ? La politique serait elle donc un métier convenant à un certain type de personnes ? Est ce un métier en soi ? Notre pays connait des ratés, mais les dernières élections montrent que les institutions fonctionnent et que le droit de vote permet encore la représentation du peuple.

    Je n'oublie pas qu'en 1933 Hitler fut élu par le peuple, mais le contexte, les motifs, les tendances de fond qui ont amené l'électorat (et le grand Kapital) à le porter au pouvoir n'étaient pas ceux de la France d'aujourd'hui. Les juifs allemands, les tziganes, les homos ne caillaissaient pas les pompiers après avoir incendié des voitures. Ils ne se radicalisaient pas dans une guerre "sainte" idéologique. Leurs représentants les plus extrémistes ne venaient pas faire des cartons à la mitraillette dans des endroits publics. Une humiliation faisant suite à un traité de paix revanchard ne pesait pas sur les conscience et les émotions de ce grand peuple.

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    1. Sur la classe politique je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut attirer des profils plus variés et des gens de bon niveau. Cela passe par un nombre d'élus moins élevé, qui occupent leur poste à 100%, une logique de non cumul..cela veut aussi dire qu'il faut bien les payer et définir un statut de l'élu qui leur permet de revenir à la société civile en douceur (notamment si on impose une durée limite pour les mandats successifs et des règles stricts en matière de conflits d'intérêt). Il faut aussi zéro tolérance en matière de corruption, d'abus divers..
      En outre je suis maintenant assez intéressé par l'idée du tirage au sort dans une certaine limite.

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  2. @ptom je répondrai en détail sur certains points.
    En ce qui concerne la montée du FN elle n'a rien à voir avec les récents attentats. LE FN aurait fait un excellent score quand même.

    C Assayag

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